La Semaine de la Mode parisienne a de nouveau captivé le monde, offrant des moments forts, des débuts attendus et des visions audacieuses. De la prise de fonction très attendue chez Balenciaga à l’expérimentation futuriste chez Jean Paul Gaultier, en passant par la poésie artistique de Magda Butrym, retour sur trois défilés qui ont marqué les esprits.

Balenciaga : Un nouveau romantisme sous le signe de l’héritage

Pour son premier défilé Balenciaga samedi soir, Pierpaolo Piccioli a choisi un lieu chargé de sens : la chapelle historique de l’hôpital Laennec, siège de Kering, propriétaire de la maison. C’est ici même qu’une rétrospective dédiée à son prédécesseur, Demna, avait eu lieu trois mois plus tôt. Un geste symbolique pour le nouveau directeur créatif, qui a expliqué en coulisses vouloir honorer le passé pour mieux se tourner vers l’avenir. Arrivé de Rome, Piccioli a insufflé sa vision, réputée humaniste et sensible, à la maison parisienne.

Cette approche s’est reflétée dans un premier rang constellé de stars, réunissant les actrices Anne Hathaway et Kristin Scott Thomas, le réalisateur Baz Luhrmann, ou encore Meghan Markle, la duchesse de Sussex. Pour sa toute première apparition à la Fashion Week de Paris, celle-ci portait une élégante cape blanche sur une chemise soyeuse et un pantalon fluide.

Sur le podium, la collection a oscillé entre hommage et modernité. Le premier look, une réinterprétation longue et fluide de la célèbre « robe sac » noire, portée avec de longs gants blancs et des visières enveloppantes incrustées de cristaux, a donné le ton. Ont suivi des silhouettes aux formes bulbeuses, un clin d’œil évident à la coupe « cocon » qui a inscrit Balenciaga dans l’histoire. Les sacs iconiques, comme le City et le Rodeo, ont été revisités, aux côtés de nouveaux modèles. Des vestes en cuir et des hauts plus expérimentaux, certains dévoilant le ventre ou présentant une fente en V audacieuse dans le dos, ont rappelé l’esthétique streetwear et provocatrice de Demna. « Je voulais embrasser le travail de Demna et créer une sorte de réconciliation entre la culture, le streetwear et tout le passé de la maison », a confié Piccioli, qui a passé 25 ans chez Valentino. « Nier ce qui a été fait avant est irrespectueux et stupide. J’ai donc voulu travailler avec les archétypes de Demna, mais avec ma propre sensibilité. »

Jean Paul Gaultier : Fantasmes nocturnes et futurisme par Duran Lantink

Chez Jean Paul Gaultier, l’ambiance était radicalement différente. Le créateur invité, Duran Lantink, a plongé les invités dans les entrailles du Musée du Quai Branly pour un défilé aux allures de rêve fiévreux de science-fiction. La scénographie, évoquant une fin de soirée avec son bar jonché de verres de champagne vides, donnait le ton d’une collection pensée pour la nuit.

La première silhouette semblait être le fruit d’une union entre le célèbre soutien-gorge conique de Gaultier et les formes « bumper » caractéristiques du designer néerlandais. Le défilé a ensuite enchaîné les propositions audacieuses : bodys futuristes très échancrés, robes défiant la gravité, trench-coats coupés en deux, et une multitude de leggings et de hauts en trompe-l’œil. Ces derniers arboraient des corps poilus, des organes cartoonesques ou des tatouages imprimés en 3D, parfois sous le label « Junior Gaultier », nom que Lantink a donné à sa collection.

En amont du défilé, le créateur a expliqué avoir préféré s’inspirer de ses propres souvenirs de la marque plutôt que de plonger dans les archives. Son inspiration principale ? Un livre de la photographe Cleo Campert sur le « RoXY », un club légendaire d’Amsterdam des années 90, où les fêtards arboraient fièrement du Junior Gaultier. Cette liberté nocturne se lisait dans chaque pièce. Bien que difficilement portable au quotidien, la collection regorgeait d’éléments forts comme les hauts imprimés, les vestes aux ourlets recourbés rappelant les chapeaux de marins, et des accessoires saisissants, à l’image des lunettes de soleil dont les verres semblaient flotter. Lantink vient à peine d’endosser la marinière symbolique de la maison ; quelques ajustements sont à prévoir, mais la vision est là.

Magda Butrym : L’art de la création, de la tête aux pieds

La créatrice polonaise Magda Butrym a, quant à elle, eu une révélation en découvrant l’exposition « Windows of the Wind » de son compatriote artiste Paulina Olowska, qui mettait en scène des femmes coiffées de chapeaux en hiver. Cette connexion créative instantanée l’a menée à collaborer avec le modiste Noel Stewart.

Le résultat fut une série de chapeaux géants, semblables à de la barbe à papa, déclinés en violet, jaune et blanc, qui ont donné le ton d’une collection à la fois décontractée et sophistiquée. Avec la tête ainsi mise en majesté, Magda Butrym a choisi de tempérer le côté habituellement très séducteur de sa marque pour explorer des silhouettes issues de la haute couture, revisitées avec une touche folklorique et romantique.

Parmi les pièces maîtresses, on a remarqué des vestes aux ourlets relevés, des robes sculpturales drapées, un haut corset en dentelle de crochet traditionnelle polonaise, et une mini-robe rouge aux volumes audacieux. La collection, baptisée « Studio », se veut une fenêtre ouverte sur le processus créatif. « Je veux montrer les différentes couches, un peu de la lingerie. Tout est imprégné de ce sentiment d’être au milieu du processus, comme quelque chose d’inachevé. Pour moi, c’est un symbole de liberté », a expliqué la créatrice. Une approche poétique qui ancre fermement Magda Butrym comme l’une des voix les plus intéressantes de sa génération.